Petites histoires

Histoire d'un inventaire

1982 - 2015

En un caveau l'art d'or dort

De commencer, il est toujours un peu difficile, on se demande bien par quoi! La mort et ce qui s'en est suivi ou bien le réveil trente deux ans après; on ne parlera pas de résurrection ou pas encore; la nuit du tombeau fut bien longue pour une vie, mais seulement un instant pour la mort oublieuse.

Lorsque je reçus un courriel de Marc Duvillier le 24 février 2012, dont voici la teneur:

“Cher Monsieur,

Je me permets de vous écrire, je m'appelle Marc Duvillier

je suis le petit-fils du peintre René Duvillier, notamment défendu par le critique d'art Charles Estienne qui a lui-même défendu l'œuvre de votre père, le sculpteur Marc Boussac.

J'ai eu l'occasion de voir des sculptures de votre père lors d'une exposition dont j'étais le collaborateur scientifique : L'Aventure de l'Art Abstrait : Charles Estienne, critique d'art des années 50, expo qui a eu lieu au Musée des Beaux-Arts de Brest de juillet à novembre 2011.

J'ai mis du temps à découvrir votre trace, alors voilà je vous écris.

Passez-vous par Paris ou en France ?

Bien à vous

Marc Duvillier“,

je n'imaginais pas que la recherche de l'œuvre enfouie de Marc Boussac sortirait de son caveau, sarcophage de la rue Saint-Jacques à Paris, en face de l'Institut Saint Jacques les 24 et 25 novembre 2012.

Tout commence en juin 1982, où sur son lit de mort mon père me dit au sujet de son œuvre: "tu verras bien ce qui se passe", à vrai dire il ne s'est pas passé grand chose; Thieck avait dit: "il faut faire quelque chose, dans dix ans il sera oublié.“ Effectivement, il m'a l'air oublié... J'avais bien essayé de téléphoner à Bideau, mais il était injoignable. Tant pis, “ On verra bien “.

Il aura fallu attendre trente ans pour qu'il se passe quelque chose, car après le courriel de Marc, en voici un autre d'A. B., le fils du marchand. Lui, il court après une sculpture de Jan Krizek, dont je ne connaissais pas l'existence.

Alors, la concomitance de ces deux courriels me décide de téléphoner à Jim, à qui je raconte cette histoire, et me répond: " Ton père m'avait donné en 1972 la sculpture de Krizek, il y a quelques années pour une exposition à Rennes je l'avais prêtée à Jaouen, je ne l'ai jamais revue depuis...Peut-être était-elle à l'exposition de Brest?". Il me donne le téléphone de Marie Hélène.

Pâques 2012, à Paris, rencontre avec Marc, Marie Hélène et ensuite Jim pour retrouver cette cave qu'il avait mis à disposition pour entreposer tout le contenu de l'atelier en 1982, dans la précipitation de Noël. Il pleuvait et impossible d'y avoir accès en 2012.

Suite à un échange de lettres et autres courriels, il est convenu d'aller dans cette cave de la rue Saint-Jacques en novembre 2012 le week-end du 24 et 25.

Rendez vous donc avec Marc, Nicolas, Monique et Pascal, Marie France nous rejoindra plus tard.
“Non ce n'est pas l'endroit où tout avait été mis, on repart.., c'était au deuxième sous-sol et non au premier". Puis derrière tout ce fatras, on glisse la main et là, tout y était, un énorme capharnaüm, il faut louer une camionnette, tout sortir dans une poussière de trente ans. Des plâtres... des petits, des grands, des tout blanc, des sales, des cassés, des bien emballés ou pas, des nus, des abstraits, des papiers plastifiés, “Chroniques de l’Art Vivant“ n°6 que je croyais avoir, où un suicide artistique avait été commis, des coupures de journaux où l'on apprendra ce que la biographie contient, etc.

Tout aurait pu rester en l'état encore mille ans, mais une fois découvert il a fallu de nouveau encaver, avant qu'une solution soit trouvée pour cet inventaire.



En forme de conclusion non définitive, j'aimerais laisser la parole à Marc dont le courriel du 25 décembre 2013 dit quel chemin il reste encore à parcourir :

"Chers Pascal, Nicolas et Marie-France,

Le texte de Pascal rappelle les débuts de cette rencontre, de cette redécouverte de l'œuvre de Marc Boussac, œuvre très singulière, unique en son genre, d'une très subtile poésie, et qui témoigne d’une exploration passionnante sans cesse de la matière et des formes, et d’une maîtrise étonnante de techniques très différentes jusque dans la miniature.

Une œuvre qui ne cesse de surprendre, de provoquer l'enthousiasme.


L'exposition de Brest : « L’Aventure de l’art abstrait : Charles Estienne, critique d’art des années 50 », en dehors du fait qu'elle devait être réalisée avec rigueur était importante à mes yeux bien sûr par rapport (et pour) mes grands parents qui m'ont souvent parlé de Charles Estienne et des artistes, souvent des marginaux, de cette période.

Ce type d’exposition permet d’exposer des artistes passionnants moins connus (comme Loubchansky, mon grand-père, Krizek…) à côté d'autres célèbres.

Et puis il y a eu ces plâtres de Marc Boussac exposés dans une vitrine… et ils m'ont bien intrigués...

Cette exposition a permis des rencontres et j'en suis bien heureux, car dans le fond c'est cela que devrait toujours provoquer une exposition : une rencontre !
(et non accrocher bêtement des œuvres sur des murs)

Le destin est étrange, et le plus intriguant est que Pascal et Monique présents à Brest durant l'exposition ne l'aient pas vu ! Nous avons failli ne pas découvrir ce que recelait la cave de la rue Saint-Jacques et repartir...

Les pages web et le site que préparent Pascal vont être formidables et il faut réfléchir à des musées (ou fondations, ou autre lieu d'exposition) susceptibles d'être intéressés par cette œuvre et d'organiser une exposition, de publier un catalogue, et d'accepter une donation d'une partie si vous le décidez,

à tout bientôt

de belles fêtes de fin d'année,

bien à vous tous,

Marc"

Vous pouvez découvrir cette œuvre à partir du lien suivant.

Au jour d'aujourd'hui en juillet 2016, le Musée National d'Art Moderne a accepté un don de trois œuvres de Marc Boussac en date du 10 octobre 2015. Maintenant le plus dure reste à faire, si un musée s'y est interressé soudainenement cela n'a pas eut de suite. Quant au musée de Saint Etienne, pour lui ça ne rentre plus dans sa politique d'acquisition. Donc il va falloir reprendre son baton de pélerin pour trouver un havre definitif à cette œuvre unique en son genre.

PB

Il n'est jamais trop tard pour exhumer l'art de son caveau.


Histoire suivante: Les Fêtards

Les Editions de l'An brouille
Contact, et Accueil

Crée le 31 mai 2015
Mise à jour le 24 juillet 2016
Copyright © Paul Pinson 2016

Paul Pinson